J.O. 151 du 2 juillet 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 11135

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Décision n° 2003-636 du 15 mai 2003 se prononçant sur une demande de mesures conservatoires déposée par la société Free SAS dans le cadre du différend l'opposant à France Télécom


NOR : ARTJ0300036S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juin 1999, portant règlement intérieur ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 1999 modifié autorisant la société Free Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision no 2002-593 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juillet 2002, établissant pour 2003 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché du service téléphonique au public entre points fixes et sur le marché des liaisons louées ;

Vu la décision no 2002-1191 du 19 décembre 2002 complétant la décision susvisée ;

Vu la demande de règlement d'un différend accompagnée de mesures conservatoires, enregistrée le 28 mars 2003, présentée par la société Free SAS, RCS Paris no B 421 938 861, dont le siège social est situé 24, rue Emile-Ménier, 75116 Paris, représentée par M. Franck Brunel, directeur général ;

La demande de Free consiste à amender la convention d'interconnexion signée avec France Télécom afin de prévoir l'acheminement des blocs 08707 et 08717 dans les mêmes conditions que les blocs 0811 et la facturation de l'appelant au tarif local téléphonique général du catalogue des prix de France Télécom.

Free demande à l'Autorité :

- de constater un échec des négociations entre Free et France Télécom ;

- de constater que France Télécom refuse l'interconnexion à Free ;

- de se prononcer sur le différend, et :

a) D'ordonner à France Télécom de procéder dans les dix jours suivant le prononcé de la décision :

i) A titre principal : à la création des acheminements demandés par Free dans les conditions exposées par Free dans son courrier du 15 janvier 2003 ;

ii) A titre subsidiaire : à la facturation des appels émis vers les blocs 087B attribués à Free à un tarif de détail qui ne saurait être supérieur au tarif moyen défini à la rubrique A340 du catalogue des prix.

b) D'ordonner à France Télécom de présenter à Free un avenant à la convention en vigueur respectant les principes suivants :

i) Ecoulement du trafic à destination des blocs 087B au tarif local de Free dans les mêmes conditions que les blocs 0811 au tarif local ;

ii) Tarification de la prestation de collecte assurée dans les mêmes conditions que celles prévues dans la section « offres de services et fonctionnalités complémentaires » du catalogue d'interconnexion décrivant l'accès aux services à coûts partagés des opérateurs tiers ;

iii) Tarification de la prestatoin de facturation dans les mêmes conditions que les principes exposés dans la convention en vigueur relative aux communications vers les blocs 081B.



I. - Exposé des faits


Free a conclu le 14 février 2000 une convention d'interconnexion avec France Télécom. Le 24 octobre 2002, l'Autorité a ouvert dans le plan national de numérotation les tranches 0870 et 0871 pour servir de support à des services portables sur le territoire métropolitain à un tarif devant être inférieur à 0,12 euro/minute pour l'appelant. Elle a attribué, le 19 novembre 2002, les blocs 08707QMCDU et 08717QMCDU à Free.

Le 7 novembre 2002, Free a demandé à France Télécom de voir la convention en vigueur amendée afin de prévoir l'acheminement des blocs 08707 et 08717 dans les mêmes conditions que les blocs 0811 et la facturation de l'appelant au tarif local téléphonique général du catalogue des prix.

Le 29 novembre 2002, Free a adressé à France Télécom des bons de commande de création d'acheminement de ces blocs en novembre, mais n'a pas obtenu de réponse de la part de cette dernière. Le 20 décembre 2002, Free a soumis une proposition de création d'acheminement dans des conditions tarifaires transitoires, qui a reçu de la part de France Télécom une fin de non-recevoir. France Télécom n'a pas communiqué à Free le tarif susceptible d'être appliqué, compte tenu de la redevance de terminaison d'appel sur le réseau de Free en direction des numéros 087B, proposée par Free le 7 janvier 2003, soit [...] euros HT/minute.

Le 15 janvier 2003, Free a proposé des conditions transitoires en vertu desquelles les communications à destination des blocs 087B de Free pourraient être écoulées et le trafic facturé à Free dans l'attente d'un accord définitif, ce qu'a refusé France Télécom.

Free précise que lors d'une réunion bilatérale, France Télécom a indiqué qu'un tarif de détail supérieur au tarif local téléphonique pouvait être envisagé, générant une recette moyenne de [...] euros HT/minute.


Le 7 mars 2003, Free a soumis une nouvelle proposition de [...] euros HT/minutes à France Télécom qui n'a pas donné suite. Face à ce silence, Free a décidé de saisir l'Autorité le 28 mars 2003.


II. - Exposé des moyens

2.1. Sur la compétence d'attribution


En vertu des articles L. 36-8, L. 34-8 et L. 32 (9°) du code des postes et télécommunications, Free souligne que sa demande d'interconnexion est justifiée au regard des besoins visant à écouler le trafic émis par les abonnés raccordés au réseau de France Télécom à destination des blocs servant de support à des numéros personnels et universels que Free fournira à ses abonnés.

Free demande à l'Autorité de définir les principes généraux devant être couverts par l'avenant demandé par Free et de fixer les conditions spécifiques devant être respectées.


2.2. Sur l'échec des négociations


Free indique qu'il y a bien échec de négociation car trois mois après avoir fait des offres à France Télécom, cette dernière n'a fait aucune proposition constructive et concrète permettant la mise en oeuvre de l'interconnexion.

Free constate que France Télécom a en outre opposé une fin de non-recevoir à la proposition de dispositions transitoires offrant la possibilité de mettre en oeuvre l'interconnexion dans l'attente d'un accord définitif, retardant l'ouverture des services prévus.


2.3. Sur la demande d'interconnexion indirecte


Free souhaite se placer sous le régime de l'interconnexion indirecte. Free estime, d'une part, que sa demande est justifiée car elle est le meilleur moyen de garantir l'essor d'une concurrence sur ces numéros, inéligibles à la sélection du transporteur, et, d'autre part, qu'elle est raisonnable dans la mesure où France Télécom dispose des capacités à satisfaire cette demande sans charge excessive.

La demande de Free est justifiée :

Free indique que sa demande visant à acheminer et facturer les appels d'abonnés raccordés au réseau de France Télécom à destination de ses abonnés accessibles via un numéro non géographique, non éligible à la sélection du transporteur, est sans incidence sur la nature des prestations incombant à France Télécom, qui achemine déjà à travers une interconnexion indirecte le trafic issu de ses abonnés à destination de correspondants accessibles via un numéro non géographique, ou sur le niveau de sa propre rémunération dans la mesure où les tarifs d'interconnexion indirecte garantissent à France Télécom une rémunération orientée vers ses coûts.

Free rappelle que dans le cadre des travaux du comité consultatif de la numérotation, les opérateurs nouveaux entrants avaient estimé que le service « numéros personnels universels » (UPN) devait se placer sous le régime de l'interconnexion indirecte.

Free considère que France Télécom ne peut sans contradiction accepter de fournir une prestation d'interconnexion indirecte lorsqu'il s'agit d'acheminer les communications issues de ses abonnés rentrant en contact avec une entreprise accessible au moyen d'un numéro non géographique de la série 0811 au tarif local et refuser de l'assurer si l'appelé est un abonné de Free, accessible via un numéro non géographique de la série 087 au tarif local.

Free rappelle que la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt en date du 28 mai 2002, a rejeté le recours formé par France Télécom contre la décision no 2001-1055 de l'Autorité en soulignant que France Télécom pouvait être tentée de contrarier l'action d'un nouvel opérateur en mesure de présenter une offre concurrentielle sur le marché.

Or, le refus de France Télécom de faire droit à la demande d'interconnexion indirecte de Free et la volonté de lui imposer un schéma d'interconnexion directe place celle-ci dans une situation de dépendance car les numéros non géographiques ne sont pas éligibles à la sélection du transporteur. France Télécom a ainsi la possibilité de fixer un tarif de détail pour l'appelant qui, trop élevé, pourrait empêcher le développement de l'offre de Free.

Enfin, cette situation pourrait être contraire à l'article L. 442-5 du code de commerce.

Sur les capacités de France Télécom à satisfaire la demande de Free :

Free estime que sa demande peut être satisfaite par France Télécom car il s'agit de procéder simplement à la mise en oeuvre :

- d'acheminements de blocs vers des ressources réseaux existantes dont les caractéristiques sont similaires aux numéros de type 081B ;

- des mécanismes de facturation des clients finals pour les appels émis vers les services de Free sur un palier tarifaire existant.

Ces deux opérations constituent des opérations de routine pour France Télécom qui les met en oeuvre régulièrement.

En outre, aucune distinction d'un point de vue opérationnel ou technique ne peut être faite par France Télécom entre l'acheminement et la facturation des appels de ses abonnés à destination d'un numéro non géographique 081B exploité par France Télécom ou par un opérateur tiers et l'acheminement et la facturation des ou d'un numéro non géographique 087B.

En effet, la prestation de reroutage de la communication vers l'abonné est du ressort de l'opérateur exploitant le numéro non géographique qui en supporte les coûts, et non France Télécom qui est rémunérée en fonction de ses coûts.


2.4. Sur l'interconnexion directe


Free rappelle que le trafic d'interconnexion de la responsabilité de France Télécom est écoulé sur des ressources d'interconnexion (BPN et supports de transmission) qui relèvent de la responsabilité de Free dans des conditions acceptées par France Télécom, dans le cadre de l'offre d'interconnexion faite par Free qui a donné lieu à un avenant.

Free considère que cette architecture est efficace car elle mutualise les ressources réseaux pour assurer l'écoulement de tout type de trafic à l'interface entre deux exploitants. Free précise que son offre ne prévoit pas l'écoulement de trafic à destination de numéros non géographiques.

Sur la proposition de Free :

Free indique qu'en réponse à la demande de France Télécom tendant à amender l'offre d'interconnexion de Free, elle a proposé une redevance de terminaison d'appels déterminés selon les principes de la formule «Number Translation System » (NTS) retenue par l'Oftel.

Free souligne que la formule NTS décrit la redevance de terminaison d'appels d'un opérateur d'arrivée comme le chiffre d'affaires moyen de détail, diminué des coûts commerciaux et des coûts d'acheminement de trafic depuis les points de terminaison de l'opérateur de boucle locale (OBL) départ vers les points d'interconnexion de l'OBL d'arrivée.

Free précise que pour évaluer les coûts d'acheminement de trafic depuis les points de terminaison de l'OBL départ vers les points d'interconnexion de l'OBL d'arrivée, elle s'est fondée sur l'offre d'interconnexion de France Télécom pour l'écoulement du trafic téléphonique « sélection du transporteur » grâce aux fichiers de détails de facturation annexés aux factures d'interconnexion émises par France Télécom. Pour le chiffre d'affaires moyen de détail, Free a appliqué les principes de tarification du catalogue des prix sur le trafic téléphonique « sélection du transporteur » pour la même période. Pour le calcul des coûts commerciaux, Free a appliqué un pourcentage « de peines et soins » au chiffre d'affaires moyen de détail.

Free indique que ces valeurs sont provisoires et seront ajustées lorsqu'elle bénéficiera de recul sur la nature du trafic 087B.

En outre, Free souligne que dans le cadre de l'offre d'interconnexion directe proposée par Free à France Télécom, Free prend en charge les ressources réseaux (BPN et supports de transmission).

Enfin, Free constate que France Télécom n'a répondu à aucune de ses propositions à la date du 26 mars 2003.

France Télécom dispose des moyens pour satisfaire la demande de Free.

Free estime que sa demande peut être satisfaite par France Télécom s'agissant simplement de mettre en oeuvre :

- l'acheminement de blocs vers des ressources réseaux existantes ;

- des mécanismes de facturation des clients finals pour les appels émis vers les services de Free sur un palier tarifaire existant.

Free précise que les créations d'acheminement dans le réseau ainsi que la facturation d'un nouveau bloc sur un palier existant relèvent d'opérations que France Télécom met régulièrement en oeuvre dans son réseau.

Sur les principes de tarification pour l'appelant.

Free souhaite un tarif pour l'appelant unique, quelle que soit la localisation de l'abonné appelant en France métropolitaine.

Free indique que, compte tenu de la nature élastique au prix de détail de la demande, le tarif appliqué à l'appelant doit être le tarif local téléphonique traditionnel, afin de permettre le développement d'un service innovant et de répondre aux attentes des consommateurs en matière de visibilité des tarifs.

Free souligne, d'une part, qu'un tarif supérieur au tarif local téléphonique ne permettrait pas au service envisagé de se développer et, d'autre part, que le palier retenu par Free est conforme à l'avis du Comité consultatif de la numérotation qui définissait un plafond de 0,04 euro/minute.


III. - Sur les mesures conservatoires

3.1. Sur la continuité du fonctionnement des réseaux


Free indique que le refus de France Télécom d'acheminer les communications de ses abonnés à destination des abonnés de Free Télécom via un numéro non géographique, voire la menace que fait peser France Télécom sur les services de type UPN exploités par Free sur des numéros de type 0811, compromet la continuité du fonctionnement des réseaux. En effet, les abonnés de France Télécom ne peuvent joindre des correspondants raccordés par Free et accessibles via un numéro non géographique.

Free estime que les deux conditions posées par l'article L. 36-8 (I, 3°) du CPT sont remplies s'agissant d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux, compte tenu de l'urgence de la situation.


3.2. Sur les atteintes graves et immédiates

régissant le secteur des télécommunications


Free constate que la mise en oeuvre de nouveaux services de télécommunications répondant aux attentes des consommateurs est entravée par l'attitude de France Télécom qui refuse de procéder aux acheminements demandés par Free.

Free considère que l'attitude de France Télécom est proche de celle condamnée par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 28 mai 2002 précité.

Free considère par conséquent que le comportement de France Télécom revêt un caractère grave et immédiat puisque l'accès des clients de Free à partir du réseau de France Télécom est pénalisé ainsi que la possibilité pour les abonnés d'autres opérateurs de communiquer avec ceux de Free en utilisant les prestations de transit offertes par France Télécom dans le cadre de son catalogue.

Ces éléments justifient le prononcé des mesures conservatoires susvisées.

Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 3 avril 2003, communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;


Vu les observations en défense enregistrées le 23 avril 2003, présentées par la société France Télécom, RCS Paris no 380.129.866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, secrétaire général ;


I. - Sur les conditions du prononcé

de mesures conservatoires


A titre liminaire, France Télécom rappelle que le prononcé de mesures conservatoires est strictement encadré par les articles L. 36-8-I et R. 11-1 du code des postes et télécommunications. Il convient de réunir trois conditions : les mesures doivent être prononcées dans le but d'assurer une continuité du réseau, la demande doit porter sur des faits constituant une atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications et les mesures demandées doivent être accessoires au fond.

France Télécom rappelle que l'Autorité, dans sa décision no 2000-515, en date du 30 mai 2000, concernant un règlement de différend opposant Siris et France Télécom, avait réaffirmé que la recevabilité des mesures conservatoires ne saurait être établie dès lors que l'ensemble des conditions fixées par le CPT n'étaient pas cumulativement réunies.


II. - Sur l'irrecevabilité de la demande au fond


France Télécom rappelle qu'en vertu de l'article L. 36-8-I du CPT, l'Autorité ne peut se prononcer favorablement sur une demande de mesures conservatoires qui serait fondée sur une demande au fond irrecevable.

Or, France Télécom considère que l'échec des négociations et le refus d'interconnexion évoqués par Free ne sont pas corroborés par la réalité des échanges entre les deux parties. France Télécom indique qu'elle a répondu le 28 mars à la demande expresse de Free de lui proposer un tarif de détail pour les communications à destination des numéros 087B de Free. France Télécom estime par conséquent que Free ne peut constater un échec de négociations et un refus d'interconnexion dès lors que France Télécom a produit ces tarifs dans les délais indiqués.


III. - Sur l'irrecevabilité des mesures

conservatoires au regard du CPT

3.1. Les mesures conservatoires de Free ne sont pas motivées


France Télécom souligne que Free n'apporte aucun élément justifiant le bien-fondé de sa proposition de solution transitoire qui a par ailleurs fait l'objet d'une réponse de la part de France Télécom.

France Télécom considère que les propositions de Free concernant la création d'acheminement des blocs 08707 et 08717 dans le réseau de France Télécom préconisent la mise en place d'un schéma d'interconnexion indirecte à l'exclusion de tout autre. Or, Free ne motive pas sa demande et renvoie simplement à un courrier.

France Télécom rappelle qu'elle a fourni, le 27 janvier 2003, une réponse à Free quant au caractère inadapté de sa proposition. France Télécom demande à l'Autorité de constater le défaut de motivation et l'irrecevabilité de la demande conservatoire de Free.


3.2. Les mesures conservatoires ne sont pas accessoires

à la demande au fond


France Télécom constate qu'au titre de ses mesures conservatoires, Free demande un acheminement en interconnexion indirecte, alors qu'elle formule une demande identique dans sa saisine au fond.

France Télécom souligne que, compte tenu du caractère indissociable des demandes formulées à titre conservatoire et au principal concernant le choix du mécanisme d'interconnexion, il revient à l'Autorité de déclarer irrecevable la demande de mesures conservatoires de Free, dont l'instruction porterait un préjudice au principal en contradiction des règles procédurales.

En effet, si l'Autorité se prononçait favorablement sur la demande de mesures conservatoires, elle serait amenée à préjuger de la solution au fond et porterait atteinte au principe d'impartialité énoncé à l'article 6 de la CEDH, qui a été appliqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 octobre 2001 à des mesures conservatoires décidées par le Conseil de la concurrence.

Il ne peut par conséquent être demandé à l'Autorité d'imposer à France Télécom un schéma d'interconnexion spécifique au titre de mesures conservatoires alors même que ce schéma est au centre du désaccord entre les deux parties et qu'il sera l'objet de la décision au fond.


3.3. Sur l'atteinte à la continuité du fonctionnement des réseaux


France Télécom considère que des mesures conservatoires ne peuvent être ordonnées que dans la mesure où elles concourent à assurer la continuité du réseau. Or, elle conteste le risque de discontinuité dans le fonctionnement des réseaux dès lors qu'il ne peut être constaté une rupture dans l'écoulement du trafic pour les numéros 087B de Free dont les conditions d'acheminement n'ont pas été arrêtées entre les parties.

Selon France Télécom, il n'existe donc aucune atteinte directe au fonctionnement des réseaux alors qu'il est nécessaire de démontrer dans le cadre de cette procédure un lien de causalité direct entre le dommage constaté et les mesures conservatoires, comme l'ont précisé l'Autorité et la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris.

Les interrogations que France Télécom a soulevées sur la compatibilité du mode d'interconnexion pour l'acheminement à destination des numéros de type 0811 avec les services que Free souhaite commercialiser pour ses clients ne constituent pas plus une atteinte au fonctionnement des réseaux.


3.4. Sur les caractères de gravité

et d'urgence revendiqués par Free


France Télécom indique qu'il a été clairement établi qu'elle n'a pas refusé l'interconnexion à Free mais s'est bornée à réaffirmer l'inadéquation du mode d'interconnexion indirecte avec le type de service que Free entend proposer.

Dès lors que France Télécom a proposé une solution à Free, qu'elle a soumis à homologation une décision tarifaire et eu égard aux précisions apportées par l'Autorité dans sa décision no 2001-851 en ce qui concerne la notion d'atteinte grave et immédiate, France Télécom considère que la condition d'une atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur n'est pas en l'espèce remplie.

France Télécom souligne qu'en dehors de la procédure d'homologation, pour laquelle elle ne définit pas les échéances, Free dispose déjà d'une solution lui permettant d'assurer la mise en oeuvre de l'acheminement des communications issues des abonnés de France Télécom à destination d'abonnés raccordés à son réseau, via des numéros non géographiques de type 087B. Free n'est donc pas légitimé à soutenir l'existence d'une quelconque urgence, car sa demande de mesures conservatoires vise dans les faits, non pas à garantir la création d'un acheminement vers ses numéros 087B, mais à imposer une solution de substitution à un dispositif dont elle a admis le principe. Free dispose par conséquent dans les faits des moyens de satisfaire à titre transitoire sa demande au regard des ressources en numérotation qui lui ont été attribuées par l'Autorité et de la convention en vigueur relative aux communications vers les blocs 081B.

Enfin, France Télécom dénonce la référence à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 mai 2002 à l'appui de la demande de mesures conservatoires de Free.


IV. - Sur le caractère déraisonnable de la demande de Free


Compte tenu des engagements de France Télécom vis-à-vis des autres opérateurs et de façon générale de l'ensemble des engagements pris sur les ouvertures de services et d'indicatifs, France Télécom ne pourrait mettre en oeuvre, dans le cadre du présent litige, les acheminements demandés dans un délai inférieur à quinze jours ouvrés (et non consécutifs) à partir de la qualification de la demande, et ce, dans le cas où il ne serait pas introduit de nouveau palier tarifaire, auquel cas le délai devrait être porté à vingt jours ouvrés.

France Télécom ne pourra mettre en oeuvre les acheminements que dans la mesure où les éléments suivants auront été déterminés :

- entrant indirect ou entrant direct et principes d'acheminement associés ;

- palier de taxe associé aux indicatifs ;

- accessibilité du service.

Dans la mesure où ces éléments ne peuvent être anticipés, le délai fixé par Free ne pourrait en pratique être considéré comme acceptable. En effet, la mise en oeuvre des acheminements demandés nécessite une suite d'opérations à effectuer par les équipes qui ne peuvent travailler qu'en série. France Télécom considère qu'elle n'est pas en mesure de mettre en oeuvre techniquement sous dix jours consécutifs et ouvrés la prestation demandée par Free Télécom à titre transitoire.

Par ailleurs, France Télécom considère que la saisine au fond de Free entraînera nécessairement la refonte des paramètres d'acheminement et de taxation au moment de la décision finale par rapport aux mesures conservatoires. En conséquence, France Télécom indique que la décision finale imposera une modification de la situation transitoire, à une date ultérieure, soit la réitération complète à quelques semaines d'écart des opérations correspondant à l'ouverture d'indicatifs, puisque tous les CAA et CTS seront à modifier.


France Télécom précise que le prononcé de mesures conservatoires lui imposera deux opérations successives de mise en oeuvre dans le réseau :

- mise en oeuvre à titre transitoire de la demande des mesures conservatoires ;

- mise en oeuvre à titre définitif consécutivement à la décision au fond de l'Autorité.

France Télécom souligne que cette nouvelle modification aura un impact similaire à celui induit par une modification d'un indicatif sur la base d'un changement de collecteur sur l'ensemble des ZTS et de la modification du palier tarifaire. France Télécom estime cette charge de travail à 26 952 EUR et à un délai standard d'un mois pour un indicatif géographique, 2 mois pour un indicatif non géographique.

France Télécom demande donc à l'Autorité de rejeter pour l'ensemble de ces motifs la demande de mesures conservatoires de Free.

Vu les observations en réplique enregistrées le 30 avril 2003 présentées par la société Free Télécom ;


I. - Sur la recevabilité de la demande au fond

1.1. Sur l'échec des négociations


Free ne partage pas les observations en défense déposées par France Télécom le 23 avril 2003. Free souligne que sa demande, répétée à plusieurs reprises, est motivée par la volonté de satisfaire les attentes de ses clients et des consommateurs qui désirent disposer de solutions de téléphonie personnelle à des conditions attractives et non discriminantes pour l'appelant et obtenir un tarif pour l'appelant au plus égal au tarif téléphonique local.

En premier lieu, Free demande à l'Autorité de constater que les échanges avec France Télécom se traduisent par une proposition d'application d'un tarif supérieur au tarif local téléphonique, ce qui constitue un échec de négociations entre les parties.

En deuxième lieu, Free considère que France Télécom ne peut soutenir qu'il n'y a pas d'échec des négociations alors qu'elle n'a pas répondu aux propositions à caractère transitoire de Free permettant de mettre en place, sans impact pour France Télécom, l'acheminement des communications à destination des abonnés de Free via un numéro non géographique exploité par Free. L'absence de réponse ou toute fin de non recevoir constitue un échec des négociations.

En troisième lieu, Free souligne que France Télécom s'était engagée le 14 janvier 2003 à fournir une proposition, ce qui n'a pas été fait au jour de la saisine.

En quatrième lieu, Free précise qu'à son ultime relance du 17 mars 2003 France Télécom a répondu le 3 avril 2003 en proposant un tarif de détail qui ne respecte pas la volonté exprimée par Free au cours des négociations.

Enfin, Free tient à souligner qu'elle n'a pris connaissance d'une homologation tarifaire fixant le tarif des 087B de Free que dans les observations en défense de France Télécom. Free conteste cette manoeuvre de France Télécom pour une inscription à son catalogue des prix d'une décision tarifaire fixant le tarif des services UPN de Free à un niveau supérieur au tarif moyen souhaité par Free, alors même que le litige portant sur les modalités d'interconnexion applicables aux numéros supports des services UPN n'est pas tranché.

Free demande l'Autorité d'émettre un avis négatif sur cette décision tarifaire.


1.2. Sur la demande au fond


Free indique que les échanges entre les parties démontrent que France Télécom n'a pas prétendu que des ressources d'interconnexion nouvelles et dédiées devaient être mises en place pour écouler le trafic à destination des UPN de Free. France Télécom accepte donc que le trafic doive être écoulé sur les ressources d'interconnexion construites entre les réseaux des deux parties.

Free considère par conséquent que le litige ne porte que sur la rémunération que retirera chaque exploitant du trafic écoulé de France Télécom vers le réseau de Free lorsque les ressources d'interconnexion existantes seront mobilisées pour écouler le trafic à destination des UPN de Free facturés à l'appelant au tarif téléphonique local.


II. - Sur la recevabilité de la demande

de mesures conservatoires


Free souhaite rappeler que ces mesures conservatoires sont motivées par l'intérêt des abonnés des différents réseaux à pouvoir se joindre mutuellement, qu'elles sont strictement limitées pour faire face à l'urgence et ne seront pas remises en cause par la solution au fond du différend.


2.1. Les mesures conservatoires sont motivées


Free précise que le service de téléphonie personnelle via des numéros de type 087B qu'elle entend proposer à ses clients n'est toujours pas commercialement ouvert, compte tenu du différend portant sur les modalités techniques et financières de l'acheminement des communications à destination d'abonnés accessibles par ce type de numéro.

Free a dû suspendre ce service qui aurait dû être effectif avec la mise en place des premiers abonnements Freebox.

Free considère que cette situation lui est préjudiciable ainsi qu'à ses abonnés, le service téléphonique faisant partie intégrale de l'offre de Free, mais aussi pour l'ensemble des opérateurs qui souhaiteraient proposer à leurs abonnés d'être accessibles au moyen d'un numéro 087B. Free a sollicité le prononcé de mesures conservatoires permettant d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux, car la situation est constitutive d'une atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications.


2.2. Les mesures conservatoires sont limitées

pour faire face à l'urgence


Free considère que sa demande vise à traiter une création des acheminements des numéros de la forme 087B comme est traité l'acheminement des blocs O811PQ. Il s'agit, d'une part, d'établir des « scripts » de configuration des tables de traduction et d'acheminement des commutateurs pour écouler vers les BPN d'interconnexion existants le trafic émis par les abonnés de France Télécom, et, d'autre part, d'associer aux blocs 087B de Free le tarif local téléphonique applicable à la série 0811 PQ, tarif existant dans les tables des commutateurs. Il s'agit donc d'opérations de routine.


Free prend acte de la difficulté pour France Télécom d'exécuter en dix jours les mesures demandées et s'en tient au délai de quinze jours ouvrables.


2.3. Les mesures conservatoires ne remettent pas

en question la solution au fond


Free précise que les observations faites par France Télécom le 23 avril 2003, estimant que l'arbitrage rendu au fond serait susceptible de remettre en question les mesures conservatoires, sont infondées.

Free rappelle, d'une part, que la demande au fond trouve son origine dans la rémunération qu'entend tirer chacun des exploitants du trafic à destination des 087B de Free, d'autre part, qu'au cours des négociations, France Télécom ne souhaitait pas déployer des ressources spécifiques visant à écouler le trafic 087B. Dans le cadre des mesures conservatoires, le trafic sera donc acheminé sur des ressources existantes, et il est illusoire de penser que la solution au fond se traduira par la construction de nouvelles ressources.

Free ajoute que France Télécom a déjà procédé à la création d'une vingtaine d'acheminements d'indicatifs attribués à Free ainsi qu'à la modification de ces acheminements lors des réaménagements de l'interconnexion, sans difficulté particulière. Free considère que les craintes soulevées par France Télécom sont ainsi sans fondement.


2.4. La rémunération de la prestation

de création d'acheminement


Free s'étonne des craintes formulées par France Télécom relatives au coût de la prestation d'acheminement, étant donné le montant modeste de ces coûts par rapport aux sommes facturées mensuellement par France Télécom. Dans sa proposition du 15 janvier 2003, Free avait précisé à France Télécom qu'elle ne la facturerait pas tant que les conditions financières définitives n'auraient pas été réglées. La charge de travail avancée par France Télécom trouvera donc rémunération à travers les sommes facturées au client final.


III. - Sur la gravité et l'urgence

3.1. L'atteinte à la continuité et au fonctionnement des réseaux


Free ne peut que constater une entrave de la part de France Télécom à la mise en oeuvre de nouveaux services de télécommunications, répondant aux attentes des consommateurs, et pour lesquels l'Autorité a dédié des tranches de numérotation.

Free considère que le service de téléphonie vocale de type UPN qu'elle souhaitait lancer dans le cadre de son service Free Haut débit s'en trouve retardé alors que ses clients manifestent leur volonté de pouvoir être joints via le service téléphonique proposé par Free.

Free souligne que le refus de France Télécom d'acheminer les communications de ses abonnés à destination d'abonnés de Free accessibles via un numéro non géographique compromet la continuité du fonctionnement des réseaux car les abonnés de France Télécom ne peuvent joindre ceux raccordés par Free et accessibles via un numéro non géographique.

Free considère que le comportement de France Télécom revêt donc un caractère grave et immédiat puisque l'accès des clients de Free à partir du réseau de France Télécom est pénalisé car les numéros 087B ne sont pas éligibles à la sélection du transporteur. De même que la position de France Télécom visant à fixer un tarif pour l'appelant trois fois plus élevé que ce que souhaite Free pénalise l'intérêt de ses propres clients. Enfin, est tout aussi pénalisée la possibilité pour les abonnés des autres opérateurs de communiquer entre eux en utilisant les prestations de transit offertes par France Télécom dans le cadre de son catalogue.

Free rappelle les conséquences du refus de France Télécom d'acheminer et de facturer, dans le cadre de l'interconnexion indirecte, les communications de ses abonnés à destination d'abonnés de Free accessibles via un numéro non géographique : soit elle gèle le lancement de son activité, soit elle se place dans une situation de dépendance vis-à-vis de France Télécom en acceptant un schéma d'interconnexion directe.

Free considère que les éléments constituant une atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications sont donc réunis.

Free rappelle que dans sa décision no 2001-851 UPC, l'Autorité avait ordonné des mesures conservatoires permettant aux abonnés de la société UPC France de pouvoir communiquer avec des fournisseurs de services raccordés par France Télécom.


3.2. France Télécom n'a pas proposé de solution concrète à Free


Free précise que France Télécom ne lui a pas transmis de solutions techniques précises et concrètes à l'instar des propositions soumises par Free et que les « délais raisonnables » dont se prévaut France Télécom n'ont jamais été évoqués dans un de ses courriers.

Free considère qu'en soumettant une décision tarifaire fixant un tarif moyen trois fois supérieur au tarif souhaité par Free, France Télécom ne lui permet pas de disposer dans des délais raisonnables d'une solution.


3.3. Free ne dispose donc d'aucune solution


Free indique que le service de téléphonie personnelle qu'elle souhaite proposer dans le cadre de son offre Freebox n'est toujours pas effectif et que les conditions générales du service Freebox ne présument pas en son article 3-4 que le format de numération retenu serait la série 0811, mais au contraire précise que « les numéros fournis seront des numéros non géographiques portables tels que définis par l'Autorité ».

Free rappelle que les services UPN sont configurés dans le réseau de Free sur la base de numéros de la forme 087B, conformément au plan de numérotation et que le système de gestion des services d'abonnés a dès l'origine été configuré pour offrir les services UPN sur la tranche 087B. Utiliser à titre transitoire d'autres tranches de numéros, nécessite la modification de toutes les bases de données de gestion d'abonnés, ce qui représente une opération complexe et coûteuse. France Télécom ne peut donc se baser sur la lecture d'offres générales de vente périmées pour considérer que Free dispose d'une solution alternative.


3.4. France Télécom reconnaît le caractère incontestable

des mesures conservatoires demandées par Free


Free constate que France Télécom admet que les demandes de mesures conservatoires ne soulèvent pas de difficulté, sauf la question des délais d'exécution sur laquelle Free se range aux objections soulevées.


Free demande à l'Autorité :

- de constater un échec des négociations entre Free et France Télécom ;

- de constater que France Télécom refuse l'interconnexion à Free ;

- de se prononcer sur les mesures conservatoires et :

a) D'ordonner à France Télécom de procéder à titre conservatoire dans les quinze jours ouvrables suivants le prononcé de la décision :

A titre principal :

1. A la création des acheminements des numéros 087B attribués à Free sur les faisceaux d'interconnexion existant entre le réseau de Free et celui de France Télécom ;

2. A la facturation à Free du trafic écoulé vers les numéros de la forme 087B attribués à Free par l'application des tarifs du catalogue d'interconnexion en vigueur, majoration « services spéciaux » comprise.

A titre subsidiaire :

1. à la facturation des appels émis vers les blocs 087B attribués à Free à un tarif de détail qui ne saurait être supérieur au tarif moyen défini à la rubrique A 340 du catalogue des prix ;

2. à la facturation à Free d'un pourcentage de « peines et soins » équivalent à 4 % du prix de détail conformément aux dispositions de la convention d'interconnexion en vigueur ;

3. à l'acheminement depuis le réseau de publiphones des communications vers les numéros 087B de Free ;

4. à l'acheminement des communications émises par l'intermédiaire des cartes pré ou post-payées (tickets de téléphone, carte France Télécom ex-Pastel, etc.) vers les numéros 087B de Free ;

5. à l'acheminement en transit à travers France Télécom du trafic généré par les abonnés des autres opérateurs (boucle locale filaire et GSM) vers les numéros de la forme 087B de Free et à la facturation à Free de ce trafic conformément aux principes décrits dans la convention en vigueur.

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 6 mai 2003, convoquant les parties à une audience devant le collège le 15 mai 2003 ;

Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 7 mai 2003 présentées par la société France Télécom ;


I. - La demande de mesures conservatoires doit être rejetée

au regard de l'irrecevabilité au fond


France Télécom réfute la démonstration faite par Free concernant l'échec des négociations. Elle précise qu'il ne peut être déduit un échec des négociations de la seule saisine de Free, car cette dernière a continué à négocier les conditions d'interconnexion directe jusqu'au mois de mars. France Télécom souligne qu'elle n'a pas opposé de refus aux propositions qui lui ont été présentées le 6 mars 2003, mais a entrepris toute action pour qu'une réponse au tarif demandé soit formulée selon le calendrier auquel elle s'était engagée.

Ainsi, France Télécom considère qu'une absence de réponse positive aux demandes d'acheminement en mode d'interconnexion directe ne peut être valablement invoquée par Free car :

- France Télécom a fourni une réponse motivée aux différents courriers de Free invitant cette dernière à poursuivre le dialogue ;

- Free a accepté la possibilité de négocier les modalités d'une interconnexion directe.

En outre, France Télécom rappelle que Free a fait des propositions de terminaison d'appel transmises le 7 janvier puis le 6 mars 2003. France Télécom y ayant répondu le 21 mars 2003, mél confirmé par un courrier du 28 mars, Free ne peut se prévaloir d'un échec des négociations.

France Télécom demande à l'Autorité de considérer comme irrecevable la demande de Free en ce qu'elle n'a pas fait l'objet d'un refus de France Télécom lors de la négociation, puisque Free négociait sur des bases différentes à celles de la présente saisine. France Télécom constate qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les négociations ont échoué à la date de la demande.


II. - Sur l'irrecevabilité des mesures conservatoires

2.1. Sur l'absence de motivation des mesures conservatoires


France Télécom indique que Free ne peut invoquer la commercialisation anticipée de sa Freebox pour motiver sa demande de mesures conservatoires. France Télécom indique qu'elle n'est pas responsable de la politique commerciale de Free qui a mis sur le marché depuis près de six mois ses premiers abonnements Freebox sans au préalable déterminer les conditions contractuelles d'interconnexion permettant d'assurer à ses clients l'effectivité de ce service.

France Télécom précise que cette responsabilité appartient à Free, qui a non seulement préjugé des termes de l'accord final à conclure avec France Télécom quant aux modalités d'interconnexion, mais a aussi anticipé sur l'ouverture de négociations destinées à donner toute la plénitude à son service.

2.2. Les mesures conservatoires ne sont pas destinées à faire face à une urgence et préjugent de la demande au fond que Free formule

Les conditions de rémunération sont indissociables des modalités d'interconnexion demandées à titre principal de la saisine :

France Télécom réaffirme l'impossibilité juridique à laquelle sera confrontée l'Autorité pour donner suite aux prétentions formulées par Free dans sa saisine du 28 mars 2003.

France Télécom souligne que les revendications de Free préjugent de la solution du différend au fond quant aux modalités d'interconnexion qui pourraient être fixées par l'Autorité.

En effet, selon France Télécom, la nouvelle formulation de la demande de Free en vertu de laquelle « la création des acheminements des numéros 087B attribués à Free sur les faisceaux d'interconnexion existant entre le réseau de Free et celui de France Télécom » revient à obtenir des conditions d'acheminement telles que définies dans son courrier du 15 janvier 2003 et équivalentes aux services spéciaux, lesquels relèvent exclusivement du mode d'interconnexion indirecte.


En outre, en ce qui concerne la tarification de détail, Free ne peut défendre que les conditions tarifaires qu'elle revendique sont totalement découplées du mode d'interconnexion. France Télécom rappelle que la fixation de ce tarif est consubstantielle du mode d'interconnexion et que l'ouverture d'acheminement ne peut se faire que si un tarif de détail est associé aux numéros 087BPQMCU. France Télécom précise qu'elle n'a pas le droit de fixer un nouveau tarif de détail sans respecter la procédure fixée dans son cahier des charges. Une réponse favorable à Free ne pourrait donc se faire que si France Télécom considérait qu'il s'agit d'un service de Free avec mise en oeuvre d'un schéma d'interconnexion indirecte.

France Télécom considère par conséquent que le mode d'interconnexion indirecte demeure seul compatible avec la tarification que Free demande au titre des mesures conservatoires comme dans sa saisine au fond.

L'ouverture de l'acheminement ne pouvant se faire sans tarif et la détermination de ce tarif engageant les modalités d'interconnexion, Free ne peut donc soutenir que sa demande de mesures conservatoires est neutre au regard de sa demande au fond.

La pérennité de la prestation technique confirme l'impact des mesures conservatoires sur la décision au fond.

France Télécom conteste l'affirmation de Free selon laquelle « la solution au fond ne remettra pas en cause la prestation technique demandée à titre conservatoire ».

En effet, la solution arrêtée au titre des mesures conservatoires consisterait à mettre en place la création d'indicatifs avec un acheminement en interconnexion indirecte et un palier au tarif local. L'Autorité sera donc amenée à préjuger de la décision au fond.

Par ailleurs, la solution arrêtée au titre des mesures conservatoires engagera dans la pratique la solution au fond, eu égard aux contraintes qu'un scénario alternatif génèrerait : si la décision au fond devait contredire les mesures conservatoires, France Télécom devrait détruire des acheminements mis en place pour en établir de nouveaux.

Ainsi, le trafic d'interconnexion directe de responsabilité France Télécom pour lequel celle-ci tient à assurer la même qualité de service que pour tout le reste de son trafic, est bien acheminé sur les ressources de Free, mais sur des faisceaux de service téléphonique voix en triple-apparentement. En revanche, le trafic vers les services spéciaux de Free Télécom est acheminé sur des faisceaux mono-apparentés sur 7 ZTS à la fin mai 2003 (5 ZTS actuellement) ; le choix de Free est de ne pas sécuriser ce trafic. Par conséquent, le résultat final de l'arbitrage conditionne l'acheminement sur l'un ou l'autre type de faisceau. Les acheminements sont donc à reconstruire sur tous les CAA et les CTS.

France Télécom estime que si l'Autorité se prononçait de façon différente sur les conditions d'interconnexion au titre de la demande principale, il convient de reconnaître le caractère contre-productif qu'auraient les travaux demandés à France Télécom au titre des mesures conservatoires, pour des services dont les clients de Free ne bénéficient pas encore. France Télécom serait contrainte de remettre en cause les travaux entrepris afin de construire l'indicatif avec des caractéristiques différentes. Or, la construction d'un indicatif nécessite que lui soient associés un acheminement et un palier tarifaire, l'acheminement pointant lui-même sur un faisceau. Par conséquent, si l'interconnexion est finalement directe et non plus indirecte, le faisceau sur lequel sera acheminé l'indicatif ne pourra plus être le même. Il conviendra donc de changer l'acheminement associé à l'indicatif pour pointer sur le faisceau correct. Enfin, il est aussi probable que le palier tarifaire ne sera plus le même. Cette modification des caractéristiques d'un indicatif demande entre six semaines et deux mois.

Sur le déploiement de ressources spécifiques pour l'écoulement des 087B, France Télécom confirme que le trafic d'interconnexion directe est de sa responsabilité, et que suite à un aménagement contractuel entre les deux sociétés, il est acheminé avec le trafic indirect de responsabilité de Free car il est de faible volume. France Télécom garde la liberté d'acheminer ce trafic sur des ressources de sa responsabilité, si elle le juge nécessaire et notamment si le volume de trafic le justifie.

France Télécom rappelle qu'en Ile-de-France elle a déjà lancé des opérations pour l'acheminement du trafic d'interconnexion directe sur les BPN spécifiques de sa responsabilité, ce qui se justifie par le niveau de trafic atteint.

France Télécom constate que le développement de l'offre de Free sur sa Freebox va renforcer le trafic vers les 087B, ce qui peut provoquer la création de BPN de responsabilité France Télécom sur tout le territoire.

Par conséquent, Free ne saurait postuler la neutralité des conditions d'interconnexion définies le cas échéant par les mesures conservatoires si elles lui étaient accordées par l'Autorité.


2.3. Sur l'atteinte à la continuité du fonctionnement des réseaux


France Télécom précise que les mesures conservatoires ne peuvent être ordonnées que dans la mesure où elles concourent à assurer la continuité du fonctionnement du réseau et conteste en l'espèce le risque de discontinuité dans le fonctionnement des réseaux.

France Télécom considère que le fonctionnement du réseau n'est pas en cause dans la demande de Free car il ressort des observations de cette dernière qu'elle demande la mise en place d'un acheminement des appels à destination des blocs 087B, à ce jour inexistant faute d'accord définitif sur les modalités d'interconnexion applicables.

France Télécom rappelle qu'elle n'a jamais refusé un tel acheminement, mais tenté de convenir avec Free d'une définition des modalités d'interconnexion relevant exclusivement de l'interconnexion directe.

France Télécom conteste les écritures de Free tendant à démontrer qu'elle a eu une attitude dilatoire alors que Free a mené des discussions à géométrie variable et que France Télécom est soumise à une procédure d'homologation tarifaire. Ainsi, Free ne peut soutenir que France Télécom a excédé un délai raisonnable alors qu'elle a répondu à la proposition tarifaire de Free, exprimée le 6 mars 2003 par sa décision tarifaire.

France Télécom estime que les arguments déployés par Free dans ses observations du 30 avril 2003 sur la continuité et le fonctionnement des réseaux sont sans portée concernant la recevabilité des mesures préparatoires :

- sur le constat d'une urgence vis-à-vis de ses clients, France Télécom indique qu'il ne relève pas d'un dysfonctionnement des réseaux mais de la politique commerciale de Free. Cette situation ne peut être comparée au litige opposant France Télécom à UPC France ;

- sur l'urgence à titre générique pour l'ensemble du secteur et non au cas d'espèce, France Télécom indique qu'elle n'a pas opposé un refus de principe à l'acheminement des appels vers les numéros 087B, mais aux modalités d'interconnexion indirecte. Estimer que la position de France Télécom porte atteinte au secteur préjuge de possibles négociations avec d'autres opérateurs qui reconnaîtraient la légitimité de l'interconnexion directe. Elle ne peut avoir d'incidence dans le présent litige où Free doit démontrer l'urgence et la gravité de sa situation particulière.


2.4. Sur l'argument de Free selon lequel

elle ne dispose pas de solution concrète


Free ne fournit pas d'élément à l'appui de son refus de la proposition de France Télécom :

France Télécom souligne qu'elle a bien communiqué à la date à laquelle elle s'y était engagée un tarif de détail comme l'atteste son courrier du 28 mars 2003. Cette proposition fait suite à une demande de Free et s'inscrivait dans le champ de l'interconnexion directe. France Télécom a donc apporté une réponse à la demande du 6 mars 2003 formulée par Free.

Free a reconnu l'usage des blocs 0811 pour ses services UPN :

France Télécom constate que Free a reconnu dans sa saisine l'existence de services de type UPN sur ses formats de numérotation 0811, mais cependant récuse désormais l'utilisation de ces tranches de numéros. France Télécom estime que la communication de Free auprès de ses clients sur l'usage réel de ces numéros ne laissait que peu de doute jusqu'à une date récente sur les réelles utilisations de ces numéros pour des services UPN.

France Télécom indique que les services UPN accessibles par les numéros 0811 étaient nominativement visés par les documents supports de l'offre Freebox que Free délivrait à ses clients jusqu'au 3 mars 2003. Free n'a modifié ce document que de manière opportune le 25 mars 2003.

Par conséquent, Free ne peut prétendre avoir exposé à ses clients que l'objectif initial était de leur proposer des numéros 087B, à l'exclusion de tout autre format de numérotation.


2.5. Sur le caractère pragmatique des mesures

conservatoires demandées par Free


France Télécom n'a pas consacré la validité de la demande conservatoire de Free, mais au contraire a voulu souligner le détournement de la finalité de la procédure d'urgence dont les modalités sont arrêtées à titre transitoire, pour obtenir en réalité une solution sur le fond.

Pour ces raisons, France Télécom demande à l'Autorité de rejeter la demande de mesures conservatoires de Free.

Vu la lettre de la société Free SAS, enregistrée à l'Autorité le 7 mai 2003, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société France Télécom, enregistré le 9 mai 2003, signalant une erreur dans ses nouvelles observations en défense transmises le 7 mai 2003 ;

Vu la lettre de la société France Télécom, enregistrée à l'Autorité le 9 mai 2003, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 15 mai 2003, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Gweltas Quentrec, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Franck Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

- les observations de M. Jean-Daniel Lallemand, pour la société France Télécom ;

En présence de :

- MM. Franck-Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

- MM. Jean-Daniel Lallemand, Philippe Trimborn, Gabriel Lluch pour la société France Télécom ;

- MM. Jean Marimbert, directeur général, Philippe Distler, François Lions, Gweltas Quentrec, Eliès Chitour, Mmes Elisabeth Rolin, Aurélie Doutriaux, Christine Galliard, agents de l'Autorité,

Le collège en ayant délibéré le 15 mai 2003, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité,

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :


I. - Sur le cadre juridique

applicable aux demandes de mesures conservatoires


En vertu de l'article L. 36-8 I du code des postes et télécommunications, l'Autorité peut être saisie d'un différend entre deux parties « en cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunication », cet article ajoutant « en cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l'autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner des mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux ».

L'article R. 11-1, alinéa 4, du code précise que « une demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de régulation des télécommunications. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée ».

Il résulte, en premier lieu, de ces dispositions que l'Autorité ne peut ordonner une demande de mesures conservatoires qu'autant qu'elle est saisie d'une demande de règlement de différend qui réponde aux conditions de recevabilité fixées à l'article L. 36-8 précité et que cette demande de mesures conservatoires est suffisamment motivée.

En second lieu, des mesures conservatoires ne peuvent être décidées que, d'une part, lorsque les faits soumis à l'Autorité sont suffisamment caractérisés pour être tenus comme la cause directe et certaine de l'atteinte relevée aux règles régissant le secteur des télécommunications, et que l'atteinte précitée présente un caractère de gravité, notamment au regard de l'importance de la règle concernée ou des conséquences préjudiciables que sa violation entraîne pour les opérateurs concernés, pour l'accès de leurs clients à des services de télécommunication d'autres opérateurs ou pour leur possibilité de communiquer librement avec d'autres utilisateurs. Il faut, d'autre part, que ladite atteinte revête un certain degré d'immédiateté, et donc d'urgence.

Enfin, les mesures adoptées à titre conservatoire doivent être strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence et à la préservation des intérêts de la partie demanderesse, sans affecter de manière excessive les prérogatives de la partie en cause.


II. - Sur les demandes

de mesures conservatoires de Free Télécom


Dans sa saisine transmise le 28 mars 2003, Free Télécom demande à l'Autorité au titre des mesures conservatoires :

- de constater un échec des négociations entre Free et France Télécom ;

- de constater que France Télécom refuse l'interconnexion à Free ;

- de se prononcer sur le différend et :

a) D'ordonner à France Télécom de procéder dans les dix jours suivant le prononcé de la décision :

iii) A titre principal : à la création des acheminements demandés par Free dans les conditions exposées par Free dans son courrier du 15 janvier 2003 ;

iv) A titre subsidiaire : à la facturation des appels émis vers les blocs 087B attribués à Free à un tarif de détail qui ne saurait être supérieur au tarif moyen défini à la rubrique A 340 du catalogue des prix.

Suite aux observations présentées par France Télécom dans son mémoire transmis le 23 avril 2003, Free Télécom reformule ses demandes de mesures conservatoires dans son mémoire en réplique du 30 avril 2003 et demande à l'Autorité :

- de constater un échec des négociations entre Free et France Télécom ;

- de constater que France Télécom refuse l'interconnexion à Free ;

- de se prononcer sur les mesures conservatoires et :

b) D'ordonner à France Télécom de procéder à titre conservatoire dans les quinze jours ouvrables suivant le prononcé de la décision :

A titre principal :

3. A la création des acheminements des numéros 087B attribués à Free sur les faisceaux d'interconnexion existant entre le réseau de Free et celui de France Télécom ;

4. A la facturation à Free du trafic écoulé vers les numéros de la forme 087B attribués à Free par l'application des tarifs du catalogue d'interconnexion en vigueur, majoration « services spéciaux » comprise.

A titre subsidiaire :

5. A la facturation des appels émis vers les blocs 087B attribués à Free à un tarif de détail qui ne saurait être supérieur au tarif moyen défini à la rubrique A340 du catalogue des prix ;

6. A la facturation à Free d'un pourcentage de "peines et soins équivalant à 4 % du prix de détail conformément aux dispositions de la convention d'interconnexion en vigueur ;

7. A l'acheminement depuis le réseau de Publiphones des communications vers les numéros 087B de Free ;

8. A l'acheminement des communications émises par l'intermédiaire des cartes pré ou post-payées (Tickets de téléphone, carte France Télécom ex-Pastel, etc.) vers les numéros 087B de Free ;

9. A l'acheminement en transit à travers France Télécom du trafic généré par les abonnés des autres opérateurs (boucle locale filaire et GSM) vers les numéros de la forme 087B de Free et à la facturation à Free de ce trafic conformément aux principes décrits dans la convention en vigueur. »

Free Télécom considère que sa demande de mesures conservatoires est justifiée par le fait que le refus d'interconnexion opposé par France Télécom sur les conditions d'interconnexion qu'elle demande a pour conséquence, d'une part, de compromettre la continuité du fonctionnement des réseaux en ce que les abonnés des deux opérateurs ne peuvent communiquer librement entre eux, d'autre part, de lui causer un préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle est placée Free Télécom de fournir son service téléphonique et, enfin, d'entraver le développement de nouveaux services de télécommunications répondant à une attente des consommateurs.

France Télécom conteste la recevabilité des demandes de mesures conservatoires présentées par Free Télécom en ce qu'elles ne seraient pas motivées, ni destinées à faire face à l'urgence, qu'elles préjugeraient de la demande au fond et qu'il n'existerait pas d'atteinte à la continuité du fonctionnement des réseaux.

Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le désaccord entre les parties porte, selon les écritures de Free Télécom, sur le refus qui lui est opposé par France Télécom de mettre en oeuvre un nouveau service d'interconnexion, tendant à assurer l'acheminement des appels vers les abonnés de Free Télécom dans les conditions techniques et tarifaires d'interconnexion actuellement réservées dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom aux appels vers les services spéciaux à coûts partagés.

Il résulte, d'autre part, de l'examen du dossier et des éclairages apportés par les parties au cours de l'audience, que France Télécom a proposé à Free Télécom la mise en oeuvre d'une interconnexion directe entre les parties pour l'acheminement des appels vers les numéros 087B de Free Télécom selon le schéma actuellement appliqué vis-à-vis des autres opérateurs de boucle locale.

Par suite, il y a donc lieu de constater que Free Télécom n'apporte pas d'éléments de nature à démontrer l'existence d'une atteinte grave et immédiate à une règle régissant le secteur des télécommunications.

En outre, les mesures demandées par Free Télécom, en tant qu'elles impliqueraient la mise en oeuvre du schéma d'interconnexion indirecte demandé par cette dernière, assortie de la fixation d'un tarif de détail applicable aux abonnés de France Télécom, ne peuvent être satisfaites sans préjuger de la question au fond de la fourniture par France Télécom de ce nouveau service d'interconnexion. Les mesures demandées ne peuvent donc être examinées que dans le cadre de la décision au fond de l'Autorité.

Pour ces raisons, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité, il y a lieu de rejeter les demandes formulées par Free Télécom au titre des mesures conservatoires.

L'Autorité a toutefois relevé, au cours de l'audience du 15 mai 2003, qu'une possible négociation entre les parties est susceptible de faire émerger, dans l'attente d'une décision au fond, une solution fondée sur un schéma d'interconnexion directe associé à une tarification de détail en rapport avec la grille tarifaire de France Télécom, et prenant en compte un niveau de rémunération transitoire de Free Télécom au titre de sa prestation de terminaison d'appel,

Décide :


Article 1


Les demandes de mesures conservatoires susvisées présentées par Free Télécom sont rejetées.

Article 2


Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Free Télécom et France Télécom la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française, sous réserve des secrets protégés par la loi.


Fait à Paris, le 15 mai 2003.


Le président,

P. Champsaur


[...] Passages relevant du secret des affaires.